THÉMATIQUE

Thématique

 

Ici, vous trouverez une réflexion autour de la question de l’autobiographie au cinéma et d’une écriture cinématographique à la première personne à travers : des textes, une programmation de films, une frise parcourant les époques, l’évocation du travail de quatre photographes qui ont documenté leur vie et celle de leurs proches.

 

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FILMER À LA PREMIÈRE PERSONNE

Par Franck Lubet

Responsable de la programmation
La Cinémathèque de Toulouse

« Contrairement aux idées reçues, au cinéma, la première personne est plutôt un signe d’humilité : tout ce que je peux vous offrir, c’est moi. » (Chris Marker)

Autoportrait / Journal filmé, tel est l’intitulé de la programmation que proposera la Cinémathèque de Toulouse courant janvier 2020. Ou de la question de l’autobiographie au cinéma et d’une écriture cinématographique à la première personne. Un genre ? Comme existe le biopic. Ou une lapalissade ? Puisque tout acte créatif n’est finalement que le rendu d’une expérience personnelle.

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Les films dits de fiction

Il y a d’abord les films dits de fiction, des films basés, écrits, sur des faits vécus, des souvenirs. Quelque chose de la mémoire recréée. Le Miroir de Tarkovski, dans lequel le cinéaste poète sonde son âme. Amarcord, (« je me souviens » en français), à travers lequel Fellini revit dans son style baroque son enfance. On pourrait aussi citer Truffaut et son alter ego Léaud / Doinel, double de celluloïd du cinéaste. Ou encore Woody Allen et Nanni Moretti qui se mettent directement en scène à travers leurs propres avatars… Un cinéma qui met en scène le JE, où le cinéaste se met en scène dans un prolongement ou une projection de lui-même. Un cinéma qui part de souvenirs et cherche à les faire revivre, sublimés par la mémoire, mais qui reste inféodé à un cinéma manufacturé ; où, s’il y a un matériau autobiographique à la base, celui-ci est transformé. Une écriture qui pourrait avoir à voir avec l’autofiction littéraire.

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Une personne seule avec sa caméra

Et puis il existe une autre approche, entre le documentaire, l’essai et le cinéma expérimental, qui met en jeu le JE. Une expression plus personnelle, plus directe, d’une personne seule, sans équipe (ou une toute petite équipe). L’expression d’une personne seule avec sa caméra. On pourrait dire face à sa caméra, comme face à un miroir qui sera par la suite tendu aux spectateurs. Une pratique de l’ordre de l’intime, du privé (filmer son quotidien, une histoire personnelle ou familiale), et pourtant livrée à un public, vouée à être rendue publique. Une forme quasi amateure contre une forme professionnelle, plus formatée, plus réfléchie mais moins réflexive. Une écriture singulière, fragmentée et fragmentaire où le commentaire (la parole) tient une place capitale, qu’il soit enregistré en direct au moment de la prise de vue (les films d’Alain Cavalier, qui analyse ce qu’il filme dans un dialogue direct avec le spectateur) ou au montage (les films de Chris Marker, qui analyse ce qui a été filmé sous la forme d’une discussion épistolaire).

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Archiver des époques

Une écriture spécifique qui tient davantage de celle, littéraire, de mémoires. Alain Cavalier parle de « filmeur » pour distinguer du ou de la cinéaste celui ou celle qui s’exprime cinématographiquement à la première personne. On pourrait aussi parler de mémorialiste, tant enregistrer des moments, tel un journal intime, est aussi une manière d’archiver des époques et de les organiser pour en tirer un récit qui tend au collectif. Ainsi Dominique Cabrera qui, en s’interrogeant, saisit quelque chose des élections de 1995 (Demain et encore demain). Ainsi Boris Lehman dont les tentatives de se décrire sont aussi des portraits de Bruxelles, ou Jonas Mekas dont les journaux filmés sont aussi des archives rares de l’underground américain. Ainsi, encore, Boris Lehman et Jonas Mekas qui ont une tendance à filmer compulsivement, à amasser des images, constituant un matériau qu’ils utiliseront plus tard pour recomposer une mémoire par le montage. Voire chez Mekas le côté haché, pris sur le vif au montage, qui renforce une impression de couches de mémoire qui se superposent et s’interpénètrent à la manière dont fonctionne la mémoire – par flashes, par bribes.

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Écrire un film à la première personne, c’est revendiquer et affirmer le dispositif filmique. C’est montrer la caméra et se montrer par la caméra (plus qu’à la caméra). C’est un cinéma révélateur. Un cinéma qui rend visible une personnalité à sa manière de voir. Un cinéma où l’on glisse de l’image que l’on se fait de soi à une image que l’on fait de soi. Un cinéma à travers lequel on cherche moins à se ressembler qu’à se rassembler. Ou, comme dit Boris Lehman, « je ne fais pas des films, je suis fait par eux ».

Autant d’éléments que l’on retrouve dans L’Épine dans le cœur et qui finissent par poser questions. L’utilisation des films de famille super 8 réalisés par son cousin Jean-Yves. La présence marquée de Gondry et son équipe devant et derrière la caméra. Cette caméra qui délivre la parole de Jean-Yves et de Suzette, qui révèle des secrets. Le dispositif cinématographique omniprésent : la séance de cinéma dans les ruines de l’école, la perche dans le champ, Gondry qui traverse le cadre pour lancer la scène, le type d’erreurs que l’on ne fait même plus en amateur. Les trains miniatures de Jean-Yves qui renvoient au goût prononcé de Gondry pour les maquettes. La scène de Jean-Yves qui ne peut pas sortir des toilettes, remise en scène par Gondry comme l’allégorie d’un accouchement difficile. Une deuxième naissance. Celle de Jean-Yves ? L’accouchement d’un autre ? Artistiquement ?… Le glissement progressif de l’individuel (Suzette) au collectif (la scène de visionnement du film terminé). La première séquence du film dans laquelle Gondry, voulant trinquer à Suzette, trinque au film après un regard caméra… L’Épine dans le cœur est-il vraiment un documentaire sur une institutrice de campagne ? Est-ce seulement, véritablement, un portrait de Suzette ? Et s’il s’agissait d’un autoportrait en creux, peut-être inconscient, de Michel Gondry en cinéaste du dimanche ?

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HISTOIRE DE L’ÉCRAN À LA PREMIÈRE PERSONNE

Par Julie Savelli

Maîtresse de conférences
en études cinématographiques et audiovisuelles

Réalisation : Ciclic, 2016

Qu’est-ce qu’un cinéma à la première personne et comment « parler de soi » à l’écran ? Si tout film est prétexte à dire « je » en convoquant le monde sous un angle personnel, l’autobiographie filmée se caractérise quant à elle par la possibilité d’une lecture documentaire — « auto » : soi, « bio » : existence, « graphie » : écriture, enregistrement.

Découvrir – upopi.ciclic.fr

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LA PHOTOGRAPHIE À LA PREMIÈRE PERSONNE

L’exemple de quatre photographes qui ont documenté leur vie, leurs proches.

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NAN GOLDIN

Nan Goldin est une photographe américaine connue pour ses portraits profondément candides et personnels. Les images de Goldin agissent comme une autobiographie visuelle sur elle-même et ses proches, notamment la communauté LGBTQ .

http://www.artnet.fr/artistes/nan-goldin/

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SALLY MAN

Sally Mann est bien plus qu’une photographe, elle utilise ce médium comme un journal intime où se mêlent réflexions proches de la philosophie, l’introspection et toutes les émotions ordinaires mais parfois extatiques du quotidien, à l’image d’une révélation sensuelle, parfois mystique, qui dans le cas de la photographe américaine se rapporte constamment à la Nature.

https://artefields.net/photographie/sally-mann-american-photographer/

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CHRIS ANDERSON

Une réflexion sur la filiation par un photographe de l’agence Magnum, devenu père au moment où il perdait le sien. Si, cette thématique ne saute pas immédiatement aux yeux, les photographies sont aussi une belle déclaration d’amour du photographe à sa femme, où les lumières contrastées du quotidien magnifient leur petit hymne à la vie.

https://www.magnumphotos.com/arts-culture/christopher-anderson-son/

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NANCY BORROWICK

” Ceci est l’histoire d’une famille à travers l’épreuve de deux parents atteints en même temps d’un cancer avancé, et se penche sur l’amour et la vie face à la mort. C’est un hommage à mes parents, un témoignage de leur force et de leur amour, individuellement et ensemble. C’est l’histoire des derniers chapitres de leur vie. Ils se sont éteints à 364 jours d’écart. “

https://www.visapourlimage.com/festival/expositions/le-cancer-une-histoire-de-famille